samedi 15 mars 2014

AMENAGEMENT ET GESTION DES AIRES PROTEGEES



AMENAGEMENT ET GESTION DES AIRES PROTEGEES

OBJECTIFS DU CONTENU
  • Comprendre les rôles des aires protégées dans un contexte d’aménagement et de gestion durable des ressources naturelles ;
  • Comprendre la notion d’intégrité écologique et les impacts sur elle de la récréation et du tourisme ;
  • Se familiariser avec le processus d’aménagement des parcs et de gestion des écosystèmes.

CONTENU
  1. Introduction générale
  2. Historique et état des lieux
  3. Le réseau d’aires protégées
  4. La gestion écosystémique des APs
  5. Notions de Gestion Participative
  6. Gestion transfrontalière  des APs
  7. Guide de création d’une nouvelle aire protégée
  8. Aménagement et Gestion des APs en RDC
  9. Défis pour l’Aménagement des APs en Afrique



PARTIE I : INTRODUCTION GENERALE
Définitions
Les aires protégées sont définies comme “une portion de terre, de milieu aquatique ou de milieu marin, géographiquement délimitée, vouée spécialement à la protection et au maintien de la diversité biologique, aux ressources naturelles et culturelles associées; pour ces fins, cet espace géographique doit être légalement désigné, réglementé et administré par des moyens efficaces, juridiques ou autres ” (UICN, 1994; la Convention internationale sur la diversité biologique, 1992). Une aire protégée vise d’abord l’atteinte d’objectifs de conservation des espèces et de leur variabilité génétique, et donc en premier lieu le maintien des processus naturels et des écosystèmes qui entretiennent la vie.
La création des APs est une composante de l’Aménagement du Territoire, outil de réconciliation des préoccupations (du global au local) pour un développement durable.
Importance des aires protégées
La Banque mondiale soulignait avec à propos (en 1995) que les aires protégées, bien qu’elles ne soient pas le seul mécanisme de sauvegarde de la biodiversité, constituent la pierre angulaire dont chaque État doit tenir compte pour l’atteinte des objectifs de maintien et d’utilisation durable de la biodiversité et le respect de leurs engagements par rapport à la Convention internationale sur la diversité biologique. Il est difficile d’exprimer quantitativement tous les bénéfices qu’une société retire de ses aires protégées. Cependant, l’intensité des efforts accomplis partout dans le monde en leur faveur montre l’importance fondamentale de leur rôle, et ce, même dans les pays les plus pauvres ou pendant des cycles économiques défavorables.
Par-dessus tout, le rôle premier des aires protégées est de contribuer au maintien de la diversité biologique (protection des espèces et de leur variabilité génétique, des écosystèmes et des processus écologiques). Elles apportent en effet une grande variété de bénéfices, sur les plans environnemental, écologique, scientifique, éducatif, social, culturel, spirituel et économique.
Les aires protégées constituent un domaine historique et privilégié d’action de l’Union mondiale pour la nature. L’UICN encourage ainsi les Etats à créer des espaces protégés, outils privilégiés de conservation de la nature, depuis près d’un quart de siècle.
L’UICN élabore des orientations afin de :
• sensibiliser les gouvernements à l’importance des aires protégées ;
• encourager les gouvernements à établir des réseaux d’aires protégées ;
• offrir un cadre solide et des normes internationales pour faciliter les évaluations.
Dans ce cadre, l’UICN élabore tous les 5 ans l’inventaire mondial des aires protégées : la Liste des Nations-Unies des aires protégées. Cet inventaire est quantitatif (superficie protégée) et qualitatif grâce à la définition de catégories d’aires protégées.
Ces catégories permettent d’avoir une vision globale du niveau de protection des espaces, puisque les différents pays ont généralement mis en place des législations différentes, et donc de considérer les efforts entrepris par les Etats en matière de protection des écosystèmes et des paysages. Aujourd’hui, les 6 catégories d’aires protégées ainsi définies par l’UICN servent de référence au niveau national et international (voir le document). Les nouvelles lignes directrices ont été adoptées lors du Congrès mondial de l’UICN de Barcelone en octobre 2008.
L’UICN publie de nombreux documents techniques pour la planification et la gestion des aires protégées. Elle organise également tous les 10 ans, le Congrès mondial des aires protégées dont le dernier s’est tenu à Durban (Afrique du Sud) en septembre 2003.
Les aires protégées, lorsqu'elles fonctionnent correctement, remplissent trois rôles principaux dont la conservation in situ de la diversité des écosystèmes et des paysages naturels et semi-naturels; la création de zones de démonstration d'utilisation écologiquement durable des terres et des ressources et la fourniture d'un appui logistique à la recherche, au suivi, à l'enseignement et à la formation en matière de conservation et de durabilité. Ces fonctions sont associées grâce à un système de zonage consistant en une ou plusieurs zones centrales, où l'ingérence humaine est minimale, puis une zone concentrique qui sert de tampon et accueille davantage d'activités humaines, comme la recherche, l'éducation à l'environnement et la formation, ainsi que des activités de tourisme et de loisirs.
La zone de transition vers l'extérieur sert de lien avec le reste de la région dans laquelle se trouve la réserve et permet de promouvoir notamment des activités de développement, par exemple la recherche expérimentale, l'utilisation traditionnelle ou la modernisation, les établissements humains, l'agriculture. Des efforts sont faits pour mettre au point des activités en coopération avec des scientifiques, des propriétaires terriens, des agriculteurs et les populations locales; la gestion de cette zone exige par conséquent des mécanismes de coordination novateurs. Dans la mesure où l’on tend à redonner aux aires protégées le caractère d’espaces "sauvages", elles peuvent permettre le développement d’activités touristiques. La constitution de telles aires protégées exige, outre la réforme impérative des systèmes fonciers et de la réglementation en vigueur, la participation effective de la population locale.


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Fig.1. Zonage schématique d’une aire protégée

Maintien de la diversité biologique
Les aires protégées contribuent au maintien de la diversité biologique et des processus écologiques essentiels à la vie. Elles permettent l’évolution dynamique des espèces sauvages à l’intérieur du processus de la sélection naturelle, et ce, à l’abri des pressions et des perturbations anthropiques. Elles procurent des bénéfices écologiques de première importance, comme la production d’oxygène, la création et la protection des sols, l’absorption et la réduction des polluants, l’amélioration des conditions climatiques locales et régionales, la conservation des nappes aquifères, la régularisation et la purification des cours d’eau.
Par ailleurs, les aires protégées fournissent un encadrement visuel aux paysages qui nous entourent de même qu’une protection des milieux contre des catastrophes naturelles, telles que les inondations et les glissements de terrain.
Enfin, les aires protégées préservent l’ensemble des potentiels écologiques des milieux pour des utilisations essentielles dans le futur.
Bénéfices scientifiques
Les aires protégées sont des laboratoires en milieu naturel. Elles permettent d’avoir accès à des informations de première main sur les écosystèmes et les espèces ; elles aident à comprendre le fonctionnement de ces éléments naturels et à découvrir de quelle façon ils peuvent s’adapter aux changements. Les aires protégées jouent donc un rôle essentiel comme lieux de référence écologique et favorisent une vision plus large de la conservation, en permettant de suivre les changements et d’évaluer les impacts environnementaux des diverses décisions de gestion sur le territoire et sur les ressources situées à l’extérieur de celui-ci. Les aires protégées constituent des zones témoins pour l’établissement de nouveaux modes d’aménagement, par exemple au regard des pratiques forestières ou de la conservation et de la mise en valeur de la faune. C’est donc une police d’assurance que se donne une société, puisqu’il est difficile de comprendre et de contrôler toutes les incidences de l’exploitation des ressources sur le milieu naturel. Cette assurance est d’autant plus importante si, sur un territoire donné, les pressions d’aménagement et de développement se font de plus en plus intenses.
Éducation et sensibilisation à la conservation
Les connaissances acquises dans les aires protégées permettent de remonter dans le temps et de découvrir comment naissent, se développent et se transforment les écosystèmes. Ces connaissances peuvent être utilisées non seulement à des fins scientifiques mais aussi à des fins éducatives, de manière à aider par exemple à la compréhension des relations entre les humains et la nature. Les aires protégées procurent ainsi des occasions de contacts directs avec la nature. Elles exercent une attraction indéniable sur la population en éveillant l’intérêt pour la conservation des espèces et de leurs milieux de vie. Elles contribuent également à façonner l’appui volontaire du public en faveur de la conservation et du développement durable.
Valeurs sociales, culturelles et spirituelles
Les aires protégées inspirent une philosophie selon laquelle toutes les formes de vie ont le droit d’exister et d’évoluer selon leur propre dynamique. La protection des écosystèmes et des paysages par le mécanisme des aires protégées contribue à développer une éthique environnementale au sein de la collectivité et à renforcer la fierté et l’identité culturelle d’un État. Ces espaces constituent des lieux par excellence pour la récréation de plein air favorisant un bien-être physique et mental. Enfin, les aires protégées constituent une source d’inspiration pour les artistes, écrivains, poètes, musiciens et philosophes.
Bénéfices économiques
Sur le plan économique, les aires protégées favorisent notamment la diversification des économies locales et régionales, et contribuent entre autres à sauvegarder des habitats, des espèces fauniques et floristiques qui constituent une ressource naturelle renouvelable à la base de nombreuses activités, telles que la chasse, la pêche, le piégeage et la cueillette. De façon très significative, elles supportent également l’industrie touristique.
Un autre domaine en rapide expansion grâce à l’existence des aires protégées est l’écotourisme, qui résulte de l’observation du monde vivant. Il connaît un développement sans précédent partout dans le monde.
Les aires protégées permettent aussi, en tant que laboratoires naturels de recherche, de développer — du moins potentiellement — des produits économiquement rentables, comme des produits pharmaceutiques ou alimentaires, ou encore de contribuer au développement des biotechnologies.
Gouvernance des APs

L’UICN reconnaît quatre grands types de gouvernance pour les aires protégées, chacun d’eux pouvant être associé à n’importe quel objectif de gestion :
A. Gouvernance par le gouvernement
B. Gouvernance partagée
C. Gouvernance privée
D. Gouvernance par les populations autochtones et parles communautés locales



PARTIE II : HISTORIQUE ET ETAT DES LIEUX

Depuis 2 500 ans au moins, l’humanité protège certaines forêts et écosystèmes. Le premier parc national des temps modernes fut créé à Yellowstone en 1872 dans le nord-ouest du Wyoming dont une petite partie qui s’étend  sur les États voisins de l'Idaho et du Montana. Quant a l’Afrique le continent a une longue histoire en matière de conservation. En effet, le premier parc national créé en Afrique, Parc national Kruger (provinces du Limpopo et Mpumalanga), date de 1898 et se trouve en Afrique du Sud. Il a été suivi par le parc national Albert, actuellement PNVi au Nord-Kivu créé en 1925 au Congo Belge (actuelle République Démocratique du Congo), sous le règne colonial (UICN, 1999). L’intérêt grandissant accordé à la protection de l’environnement en général et aux écosystèmes en particulier a amené plusieurs Etats africains à créer des aires protégées sur leur territoire (UICN, 1994). Toutefois, dans certains cas, le choix et les modalités de zonage de ces aires protégées ont été faits de façon ambiguë, ce qui explique les multiples conflits liés à la mise en places des zones de conservation.
Aujourd’hui, on trouve des zones protégées aux quatre coins du monde : le Centre mondial de surveillance de la conservation du PNUE a répertorié plus de 102 000 sites terrestres et marins couvrant près de 19 millions de kilomètres carrés – soit près de 4 % de la planète. La grande majorité de ces sites sont terrestres, et on considère que leur création constitue le changement délibéré le plus considérable de toute l’histoire de l’aménagement de la terre.

Les sites les plus exceptionnels, qui sont au nombre de 149, bénéficient d’une protection juridique particulière dans le cadre de la
Convention du Patrimoine mondial de l’UNESCO, ratifiée par 176 Etats. Ces sites et d’autres zones protégées sont utiles à bien des égards : ils permettent notamment de protéger la diversité biologique et les ressources sauvages, de fournir un air et une eau propres, de lutter contre le changement climatique et d’attirer les touristes. Ils sont de plus en plus nombreux à être situés de part et d’autre de frontières nationales, et ont donc aussi une dimension pacificatrice.

Il s’agit là d’une formidable réussite mais il reste cependant beaucoup à faire. Les aires protégées sont inégalement réparties : un cinquième des pays du monde protègent moins de 1 % de leur territoire. Et il existe des fossés considérables : moins d’un dixième de pourcent de la forêt originelle des îles du Pacifique sud est protégée par exemple, de même que moins de 1 % des forêts des plateaux du Cameroun en Afrique centrale et des mangroves du Golfe de Guinée. Plus surprenant encore, moins de 1 % de la surface des mers et des océans qui couvrent 70 % du globe est protégée.

Nombreux sont les parcs qui n’existent que sur le papier, sont mal gérés et ne possèdent pas de statut juridique. Parmi ceux qui sont correctement gérés, beaucoup sont trop petits pour fonctionner efficacement. De nombreux autres sont confrontés à divers problèmes comme le braconnage, la pollution de l’air, l’exploitation minière ou le déboisement illicites, et les incendies sauvages – souvent parce qu’ils ont été créés sans la participation des populations locales, qui n’ont pas l’impression d’en retirer des avantages. Quant au réchauffement mondial, il risque d’éroder et de détruire la valeur des parcs dans la mesure où certaines espèces ne sont pas capables de s’adapter aux changements climatiques.
Ces menaces sont imputables aux forces qui mettent en péril l’environnement et la sécurité de l’ensemble du monde, à savoir la pauvreté, la surconsommation et la surexploitation. Les zones protégées du monde ne pourront continuer à jouer leur rôle inestimable que si ces problèmes sous-jacents sont réglés – et si les populations locales ont de bonnes raisons de valoriser et de participer à la protection des sites protégés.

En Afrique les aires protégées  avec leurs faune et flore sauvages sont des produits à haute valeur commerciale. Ces ressources renouvelables sont une source de revenus à travers les activités écotouristiques (chasse sportive), commerciales (vente de la chasse, des produits artisanaux locaux tels que le cuir et les peaux), des produits de consommation (viande, poisson) et d'autres produits utiles aux communautés rurales. Cependant, la protection de plusieurs aires protégées est compromise à cause principalement de l’augmentation de la population. Avec une population dépassant 700 millions d’habitants et un taux d’accroissement annuel avoisinant 2.9%, les écosystèmes de forêts et des savanes subissent une forte pression. Plusieurs autres facteurs menacent la gestion des aires protégées, notamment le manque de ressources financières pour assurer leur conservation à long terme.

Compte tenu des erreurs du passé, il apparaît indispensable de repenser non seulement le choix des zones à conserver mais aussi les approches de gestion qui doivent concilier conservation et satisfaction des populations locales.


PARTIE III : LE RESEAU D’AIRES PROTEGEES

Depuis près d'un quart de siècle, l'UICN, par le truchement de sa Commission des parcs nationaux et des aires protégées (CPNAP), donne des orientations dans le monde entier sur la façon de classer les aires protégées tout en s'attachant à:
·         sensibiliser les gouvernements à l'importance des aires protégées;
·         encourager les gouvernements à établir des réseaux d'aires protégées avec des objectifs de gestion correspondant aux conditions nationales et locales;
·         éviter la confusion qu'a engendré l'adoption de termes différents pour décrire des aires protégées de même type;
·         offrir des normes internationales pour faciliter les relevés au niveau mondial et régional ainsi que les comparaisons entre pays;
·         offrir un cadre solide pour rassembler, échanger et traiter les données sur les aires protégées;
·         en général, améliorer la communication et la compréhension entre tous ceux qui oeuvrent en faveur de la conservation de la nature.
Un premier système de classement en catégories a été établi par l'UICN en 1973. En 1978, l'UICN a publié le rapport intitulé Catégories, Objectifs et Critères pour les aires protégées, préparé par le Comité sur les critères et la nomenclature de la CPNAP. Les dix catégories proposées alors étaient les suivantes:
I Réserve scientifique/Réserve naturelle intégrale
II Parc national
III Monument naturel/Elément naturel marquant
IV Réserve de conservation de la nature/Réserve naturelle dirigée/Sanctuaire de faune
V Paysage terrestre protégé
VI Réserve de ressources naturelles
VII Région biologique naturelle/Réserve anthropologique
VIII Région naturelle aménagée à des fins d'utilisation multiple/Zone de gestion des ressources naturelles
IX Réserve de la biosphère
X Bien du patrimoine mondial (naturel)
Ce système de classement a été largement appliqué, incorporé dans certaines législations nationales et utilisé dans les discussions entre administrateurs d'aires protégées du monde entier et a en outre constitué l'ossature de la Liste des Nations Unies des parcs nationaux et des aires protégées (qui, dans les éditions récentes, couvrait les Catégories I à V).
L'expérience a néanmoins montré que le système de classement adopté en 1978 méritait une révision et une mise à jour, que les différences entre certaines catégories n'étaient pas toujours suffisamment claires et que la conservation des milieux marins devait être renforcée. Les Catégories IX et X ne sont pas des catégories de gestion distinctes mais des désignations internationales qui recoupent généralement d'autres catégories.
L'expérience a aussi montré que certains critères devaient bénéficier d'une interprétation plus souple afin de mieux refléter les conditions diverses qui existent de par le monde. Enfin, le langage utilisé pour décrire certains concepts de base du système de classement devait absolument être revu à la lumière des dernières connaissances sur le milieu naturel et les interactions de l'homme avec la nature.
C'est la raison pour laquelle, en 1984, la CPNAP a mis sur pied un groupe d'étude chargé de revoir le système de classement des aires protégées et, si nécessaire, de le réviser en tenant compte de plusieurs décisions de l'Assemblée générale de l'UICN relatives aux intérêts des peuples autochtones, aux zones de nature sauvage et aux paysages terrestres et marins protégés.
Les nouvelles lignes directrices:
·         adhèrent aux principes établis en 1978 et réaffirmés dans le rapport du groupe d'étude en 1990;
·         actualisent les lignes directrices de 1978 à la lumière de l'expérience acquise au fil des ans dans l'utilisation du système de classement des aires protégées;
·         conservent les cinq premières catégories tout en simplifiant la terminologie et la présentation;
·         ajoutent une nouvelle catégorie;
·         reconnaissent que le système doit être suffisamment souple pour refléter les complexités du monde réel;
·         illustrent chacune des six catégories par de brèves études de cas montrant comment les catégories sont appliquées à travers le monde;
·         offrent un outil de gestion et non pas une prescription restrictive.
Ainsi l’UICN publia en 1994 un nouveau système de classification avec 6 catégories d’aires naturelles protégées. Le numéro assigné à une catégorie ne reflète pas son importance mais plutôt le type d’utilisation auquel il est assujetti.
  • CATÉGORIE Ia. Réserve naturelle intégrale: Aire protégée, administrée principalement aux fins d’étude scientifique.
  • CATÉGORIE Ib. Zone de nature sauvage: Aire protégée, administrée principalement aux fins de protection des ressources sauvages.
  • CATÉGORIE II Parc national: Aire protégée, administrée principalement dans le but de préserver les écosystèmes et aux fins de récréation.
  • CATÉGORIE III Monument naturel / élément naturel marquant: Aire protégée, administrée principalement dans le but de préserver des éléments naturels spécifiques.
  • CATÉGORIE IV Aire gérée pour l'habitat et les espèces: Aire protégée, administrée principalement aux fins de conservation, avec intervention en ce qui concerne la gestion.
  • CATÉGORIE V Paysage terrestre ou marin protégé: Aire protégée, administrée principalement dans le but d'assurer la conservation de paysages terrestres ou marins et aux fins récréatives
  • CATÉGORIE VI Aire protégée de ressources naturelles gérées: Aire protégée, administrée principalement aux fins d'utilisation durable des écosystèmes naturels.


PARTIE IV : L’APPROCHE ECOSYSTEMIQUE

Expérience dans le Programme de l’UICN

1. L’approche écosystémique est l’approche d’une gestion efficace et responsable des écosystèmes basée sur les grands principes.
2. Cette approche s’appuie sur l’application des règles de gestion et des principes pour atteindre le développement durable.
3. Les principes qui composent l’approche sont déjà inscrits dans un certain nombre d’accords parmi lesquels on peut citer:
i. la Conférence mondiale sur l’environnement humain (1972),
ii. la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (1982),
iii. la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement et
son plan Action 21 (1992),
iv. la Convention sur la diversité biologique (1992),
v. l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poisson (1995),
vi. le Code de la FAO pour une pêche responsable (1995),
vii. la Déclaration de Reykjavik (2001),
viii. le Sommet mondial pour le développement durable (2002).
ix. Etc

Le but de l’approche écosystémique est de prévoir et de gérer les RN d’une manière qui réponde aux besoins actuels des sociétés sans mettre en péril les possibilités pour les générations futures de profiter de tout l’éventail des biens et services fournis par les écosystèmes.

D’où la définition:
L’approche écosystémique s’efforce d’équilibrer divers objectifs de la société en tenant compte des connaissances et des incertitudes relatives aux composantes biotiques, abiotiques et humaines des écosystèmes et de leurs interactions, et en appliquant une approche intégrée dans des limites écologiques valables.
L’approche écosystémique est un moyen d’appliquer à la gestion des RN les principes du développement durable à savoir:
• Rechercher le bien-être pour l’homme et pour l’environnement.

Pour cela, l’approche fusionne deux modèles:
i. Le premier est la gestion de l’écosystème qui consiste à protéger et à préserver la structure et les fonctions de l’écosystème en intervenant sur les composantes biophysiques de l’écosystème (Domaine de la conservation)
ii. Le second est la gestion des RN pour procurer de la nourriture et des moyens de subsistance ou des revenus à l’homme (Domaine de la gestion)

Défis de l’approche 
L’approche écosystémique doit tenir compte
1. des usages et des utilisateurs au sens large
2. de la nécessité de reconnaître et de concilier les nombreux objectifs de ces utilisateurs de manière à ce que les générations à venir puissent aussi tirer pleinement parti des biens et des services offerts par les écosystèmes.

L’approche Ecosystémique
1. Est à la base du programme UICN en Afrique Centrale et Occidentale qui se décline ainsi qu’il suit:
i) Un Programme thématique Eau et Zones Humides
ii) Un Programme thématique Aires Protégées
iii) Un Programme thématique Marin et côtier
iv) Un Programme thématique Forêt
v) Un Programme thématique Droit, Politique et Gouvernance

Le PACO existe déjà depuis Mai 2008 dans 26 Pays
• Programme 2009-2012 élaboré
• Programmes pays dans 7 pays y compris le Cameroun et la RDC en Afrique Centrale.

L’approche écosystémique préconise le respect des principes de gestion transparente et participative.
– impliquer davantage de parties intéressées, d’où nécessité de mettre en place une concertation, une coopération et un processus commun de décision mieux coordonnés entre les acteurs opérant dans un même secteur géographique, ainsi qu’entre les autres secteurs avec lesquels elles sont en relation.
– participation accrue de toutes les parties intéressées afin que les objectifs d’une politique arrêtée à haut niveau puissent être transposés dans la gestion quotidienne.
Domaines de Contributions de l’UICN aux réponses actuelles des menaces sur les écosystèmes
1. Les conventions internationales et régionales:
- Plan d’action environnemental du NEPAD, de l’UEMOA, et bientôt de la CEDEAO et de la CEEAC,
- Plan de convergence de la COMIFAC qui sert de base pour la mise en oeuvre des actions en faveur de la vision commune sur la gestion des forêts du Bassin du Congo
- Les trois conventions de Rio (CDB, CCD et CCCC)
2. La lutte contre la pauvreté: - L’intervention de l’UICN vise à participer activement avec les pays à l’élaboration/révision des DSRP qui prennent clairement en compte les valeurs de l’environnement dans une approche de développement durable.
3. Le changement climatique
4. La gestion des écosystèmes: Forêts, les écosystèmes arides et semi-arides, les zones côtières et marines, etc.
5. La lutte contre la désertification :  l’UICN conduit une Initiative sur le Pastoralisme Mondial
(World Initiative on Sustainable Pastoralim - WISP) et explore l’éventualité de lancer une initiative globale sur les zones sèches.
6. La conservation de la biodiversité
- En Afrique centrale, le Partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC) constitue un appel pour que ces vastes ressources de biodiversité soient maintenues au bénéfice des populations de la région et pour la préservation des équilibres environnementaux mondiaux - le MIKE ou Système de suivi des abattages illégaux des éléphants de la CITES a mis en place une structure de coordination pour la sous région
- Dans l’espace PACO, s’il existe des acteurs intervenant sur les aires protégées à des échelles sous régionales (par exemple le PRCM sur les aires marines, ou le programme ECOPAS sur les 3 parcs du W du fleuve Niger),
7. L’énergie

Défi & rôle de l’UICN
– valoriser son réseau mondial de conservation de la nature pour apporter une contribution significative à l’amélioration du bien-être humain
– Trancher le débat entre les mouvements pour la conservation de la nature, centrés sur la santé des écosystèmes et en particulier la survie des espèces et les institutions de développement qui considèrent les ressources naturelles sous la perspective de la croissance économique
Aujourd’hui, l’approche écosystémique fait rarement partie intégrante des politiques et des législations nationales.
Or elle fait partie des outils majeurs pour la mise en oeuvre de la CBD

Conclusion & perspective d’action
1. Pour appliquer cette approche, il faudra apporter à la législation existante les amendements et les améliorations appropriés,
2. Il peut s’avérer nécessaire de prévoir des règles ou des réglementations plus complexes qui tiennent compte des répercussions des interventions dans un domaine sur les autres domaines et inversement.
3. L’expérience de l’UICN pourrait aider les acteurs & partenaires dans l’application de l’approche en Afrique Centrale et Occidentale


PARTIE V : NOTIONS DE GESTION PARTICIPATIVE DES AIRES PROTEGEES
Introduction
La «gestion participative» ou «cogestion des aires protégées» est une forme de partenariat permettant aux différents acteurs impliqués dans la sauvegarde de la nature de se partager les fonctions, les droits et les responsabilités à la gestion d’un territoire ou d’une gamme de ressources jouissant d’un statut de protection. Ce concept est né des échecs du passé sur la politique de conservation de la faune et de la flore des pays en voie de développement, basée sur la protection intégrale, sans exploitation. Cette gestion participative varie selon les aires protégées, les contextes culturels et politiques des différents peuples.
Depuis fort longtemps, particulièrement en Afrique, l’Etat a conservé le monopole de la gestion des ressources forestières (faune et flore). Les aires protégées actuelles ont été créées pour la plupart durant l’époque coloniale, sans le consentement des populations. L’une des conséquences de ces décisions unilatérales fut l’expulsion des populations riveraines de leurs terres ancestrales. Face aux échecs des méthodes de conservation de la biodiversité très classique, la situation a évolué positivement depuis un certain nombre d’années.
Selon cette conception, la gestion des écosystèmes ne peut être durable que si elle se fait dans le cadre d’un partenariat impliquant toutes les parties prenantes, en particulier les populations locales afin qu’elles contribuent à la sauvegarde d’un environnement qui constitue aussi leur capital.
Le changement majeur perceptible dans les politiques de conservation, à la suite du sommet de la terre à Rio, c’est la relation qui est faite entre conservation et développement durable.
Le genre humain a parfaitement les moyens d’assurer un développement durable, de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations avenir de satisfaire les leurs. Le développement durable signifie la satisfaction des besoins élémentaires de tous et, pour chacun, la possibilité d’aspirer à une vie meilleure (« Rapport des Nations Unies sur l’environnement et le développement, 1988 »).
Cependant, il se pose la question de savoir comment faire pour organiser cette gestion participative. Depuis son introduction, cette approche est caractérisée par un décalage entre la théorie et la concrétisation de cette nouvelle idée en une pratique conservationniste, cette approche générant toute une série de contradictions et de problèmes.
La profonde méconnaissance des réalités des populations forestières et à fortiori des relations extrêmement complexes qui les unissent à leur milieu explique, à notre sens, une bonne partie des échecs et des difficultés à trouver des stratégies plus fructueuses.
Parallèlement aux contraintes économiques, les actions de conservation se heurtent aux contraintes culturelles et politiques telles que : la différence de perception entre les populations autochtones et les décideurs sur l’exploitation des ressources naturelles ; l’instabilité politique dans certains pays d’Afrique centrale (Congo-Brazzaville, Congo-Kinshasa, Centrafrique, Rwanda, Burundi), et les dysfonctionnements qu’elle entraîne, comme la circulation des armes, la recrudescence du braconnage, l’absence de l’administration et du système judiciaire. Tout ceci constitue un réel frein à toute volonté de valorisation des ressources naturelles, notamment le développement du tourisme.
Par ailleurs, le paradoxe de la situation actuelle est que la répression est généralement effective sur le terrain, tandis que tout ce qui relève de la gestion participative et du développement n’en est qu’au stade de projet ou de l’expérimentation.
C’est donc dans un contexte économique, politique et social relativement confus que la communauté internationale tente de mettre en place des programmes de conservation liés au développement durable des écosystèmes forestiers, suite à la déclaration de Rio en 1992.
Théorie sur la Gestion Participative
Que veut dire participative ?
La gestion participative (ou gestion multipartite, gestion collaborative, cogestion) est une situation dans laquelle au moins deux acteurs sociaux négocient, définissent et garantissent le partage entre eux, d’une façon équitable, des fonctions, droits, et responsabilités de gestion d’un territoire, d’une zone ou d’un ensemble donné de ressources naturelles.
La gestion participative implique l’existence d’un patrimoine commun à toutes les parties prenantes. Ce patrimoine peut être un site, écosystème ou une espèce emblématique végétale ou animale p.ex. le gorille.
Qui sont les parties prenantes ?
Les parties prenantes sont des personnes physiques ou morales (acteurs sociaux) qui demandent à prendre part aux décisions et à la gestion d’un ensemble de ressources naturelles sur la base des titres / droits reconnus par les autres. Elles ont des intérêts (de près ou de loin) à défendre à propos de ces ressources naturelles.
Contexte politique
Les enjeux politiques à l’échelle internationale et la recherche des solutions alternatives aux orientations classiques de gestion des forêts, sont à l’origine de l’exploration de nouvelles approches de gestion des ressources naturelles.
Une convention internationale sur la biodiversité a été adoptée lors du sommet de la terre, tenu à Rio en juin 1992. Celle-ci recommandait aux Gouvernements de « préserver les méthodes traditionnelles de conservation et d’utilisation durable de la diversité biologique et s’en inspirer aussi largement que possible, en associant pleinement les populations concernées à leurs efforts ».
Chaque peuple possède son TEK (Traditional Ecological Knowledge) c’est à dire un ensemble de connaissances écologiques traditionnelles. Par ailleurs, en Afrique, le discours des décideurs politiques dans le domaine de la gestion des ressources naturelles a nettement évolué. Ils insistent de plus en plus sur une réelle implication des populations locales aux décisions concernant la gestion des ressources de leurs terroirs.
Cette période correspond aussi à la manifestation d’une prise de conscience généralisée sur les problèmes posés par le développement humain notamment la démocratisation, la libéralisation économique, la lutte contre la pauvreté, la sécurité foncière et la protection de la biosphère.
Aujourd’hui, l’évolution des pratiques de gestion est le passage d’une approche centraliste vers une approche participative (gestion participative ou contractuelle).

Quelques expériences en Afrique
La revue succincte des approches de cogestion des ressources naturelles en Afrique, montre qu’elle est d’une introduction récente. Dans la pratique, la gestion participative est proposée comme un vaste thème qui peut faire émerger des nouvelles régulations, s’appuyant sur des dynamiques de concertation, de codécision et notamment de cogestion.
La consolidation et le long terme de cette entreprise de cogestion du patrimoine naturel reste l’établissement d’un plan d’aménagement et de gestion, qui concilie la conservation au développement, mais répartissant équitablement les revenus entre les parties.
Elle est devenue par-là même une condition sine qua non au succès de toute politique de conservation.
A titre expérimental ce processus a été initié dans les six pays d’Afrique centrale où se déroulent les activités d’ECOFAC (Ecosystèmes Forestiers d’Afrique Centrale) notamment Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, Sao Tomé et Principe.
Sur le terrain, on distingue deux types d’approches :
- L’approche des alternatives économiques : Cas de la réserve de la Lopé au Gabon et la réserve du Dja au Cameroun.
Elle est fondée sur les incitations (paiement des salaires, partage des revenus générés par l’exploitation des ressources naturelles). Cette approche encourage également la mise en place des activités économiques qui n’entravent pas la conservation des écosystèmes forestiers (augmentation de la production paysanne, élevage du gibier…).
La composante ECOFAC-Gabon a créé une association, le Syndicat d’Initiatives de Lopé (SIL), chargé de la gestion du produit touristique de la réserve de la Lopé en générant les emplois pour un développement durable.
- L’approche des alternatives institutionnelles : Cas du comité de développement de Bayanga (CDB) en République centrafricaine. Elle se caractérise par la création des ONG, des associations locales, de petits projets avec des perspectives de mise en oeuvre des procédures de médiation. Ce comité regroupe les représentants de tous les villages et quartiers. Tous les acteurs socio-économiques et administratifs de la sous préfecture de Bayanga se sont constitués en un comité de développement de Bayanga qui est l’interlocuteur représentatif de l’ensemble de la population, en plus de son rôle de courroie de transmission entre les différentes parties prenantes. Il veille à l’implication directe des populations villageoises dans la gestion des revenus générées par les activités touristiques et coordonne la mise en place d’un programme d’équipements sociaux.
- Cas de la réserve de Conkouati au Congo-Brazzaville
A l’issue des négociations menées entre les administrations et les communautés locales en vue d’une gestion participative des ressources de la réserve de Conkouati, les arrangements institutionnels ci-après ont été obtenus :
a- Un plan de zonage ou accord sur le zonage de la réserve a été conclu de manière participative entre les Administrations impliquées dans la gestion des ressources naturelles et les communautés locales.
b- Une charte de cogestion a été signée par les représentants de différentes parties prenantes.
c- Un Comité de Gestion des Ressources Naturelles de Conkouati, en sigle COGEREN a été mis en place.
d- Un Plan d’Aménagement de l’aire protégée a été élaboré d’une manière participative sur la base du plan de zonage négocié.
e- Un décret de classement portant création du Parc National de Conkouati-Douli et reconnaissant implicitement le zonage a été pris et signé par les Autorités nationales.
- Cas du programme CAMPFIRE au Zimbabwe.
En Afrique, d’une manière générale, le programme CAMPFIRE au Zimbabwe est un des pionniers de cette approche de cogestion. CAMPFIRE a été crée en 1989, avec comme philosophie : le village est l’unité principale de gestion des Ressources Naturelles, tant pour la terre que la faune sauvage, dans certains cas, le canton. Pour cela, il donne aux paysans le pouvoir de gérer leurs ressources naturelles afin de forger leur propre développement rural.
Quelques recommandations
La gestion participative ne peut se réaliser que dans un contexte de partenariat et de coordination efficace entre tous les acteurs principaux.
La gestion durable des ressources naturelles dépend également de la capacité des pouvoirs publics à apporter des solutions adéquates aux nombreux problèmes de développement local.
Par ailleurs, la gestion participative nécessite un grand changement de mentalité, où l’autorité doit progressivement se défaire de ses armes dont on connaît les limites et apprendre à dialoguer avec les communautés riveraines. Ces dernières apprendront à dialoguer à leur tour, à participer activement dans la gestion durable des ressources naturelles et à s’assumer pleinement en améliorant les systèmes de production dans leurs terroirs.
Cette approche nécessite une bonne connaissance des populations concernées et leurs modalités d’exploitation du milieu. Malheureusement, très peu de travaux ont été consacrés aux aspects socio-économiques relatifs aux populations vivant autour des aires protégées.
Il en résulte que la relation Aire Protégée-population n’est pas toujours bien maîtrisée, non seulement pour une gestion efficace des APs mais aussi pour en assurer une viabilité à long terme.
Bien que la notion de responsabilité de l’Etat et de la collectivité s’impose, la reconnaissance du droit des collectivités à décider de leur propre devenir apparaît comme une nécessité historique et naturelle. Un comité local de gestion des ressources est nécessaire. Il sera constitué des ayants droits et de la population locale. Ainsi, la paix communautaire et la cohésion sociale pourront se maintenir et fleurir au bénéfice de la conservation des ressources naturelles.
L’Etat doit conférer une personnalité juridique au comité local de gestion des ressources naturelles. La signature d’un contrat de gestion, le partage équitable des bénéfices générés par les Aires Protégées et l’établissement d’un plan d’aménagement et de gestion adapté au contexte local doivent être au centre du débat de cette gestion participative.
Enfin, l’Etat doit donner à ce comité les pouvoirs et les moyens requis pour remplir son rôle en matière de protection de l’environnement. Les stratégies et politiques économiques nationales devraient favoriser dans ce domaine les actions à l’échelon de la communauté.


PARTIE VI : GESTION TRANSFRONTALIERE DES AIRES PROTEGEES

Introduction
Les aires protégées transfrontalières sont un outil important de la conservation. D'une part, elles permettent la coordination des unités et corridors écologiques à des échelles supranationales, d'autre part elles peuvent promouvoir la coopération et créer de la confiance entre régions. Preuve de leur intérêt, le nombre d'aires protégées transfrontière a augmenté de par le monde : de 59 en 1988, il est passé à 169 en 2001.
Au sein de ces aires protégées partagées entre pays, les Parcs pour la Paix occupent une place spéciale : ce sont «  des aires protégées transfrontalières qui sont officiellement consacrées à la protection et à la conservation de la diversité biologique et des ressources naturelles et culturelles qui y sont associées, ainsi qu'à la promotion de la paix et de la coopération. »
C'est pourquoi l'UICN, la fondation des parcs pour la paix, le WWF international et l'Université pour la paix ont décidé de lancer un partenariat des parcs pour la paix , dont les objectifs sont notamment de catalyser la création de nouveaux parcs pour la paix, de renforcer les parcs existants en donnant la priorité aux aires classés au Patrimoine mondial, et de renforcer les capacités à travers de l'assistance technique.

Une approche exclusivement nationale se révèle insuffisante pour assurer la conservation d’écosystème se caractérisant par leur diversité au-delà d’une homogénéité apparente. Une approche régionale prenant en considération la dynamique des écosystèmes est désormais unanimement approuvée.

Les avantages écologiques
Les systèmes naturels fonctionnent généralement sur de vastes espaces reliés entre eux qui favorisent les cycles migratoires de certaines espèces animales, la dispersion et la contraction d’habitats en fonction des conditions environnementales (par exemple les populations d’éléphants), l’existence de zones de refuge à partir desquelles des niches de faune et de flore survivant à des épidémies (par exemple la peste bovine) peuvent recoloniser des régions extérieures, et créent des possibilités de cycles de repos et de rétablissement dans des régions soumises au surpâturage, aux incendies, aux inondations, etc.
L’avantage de relier et gérer conjointement des zones de protection au-delà de limites étatiques est évident lorsque cela concerne les itinéraires de migration et la survenance de maladies. Le fait de relier, par exemple, les aires protégées qui constituent le TRIDOM ou le TNS, augmentera les chances de survie à long terme d’une espèce comme l’éléphant de forêt.

Les avantages socio-économiques et culturels
La protection et la gestion de la faune et de la flore, en Afrique notamment, peuvent entraîner une amélioration importante du niveau de vie des populations rurales les plus pauvres en leur procurant davantage de ressources que les économies de subsistance traditionnelles. En Afrique centrale, de nombreux exemples montrent que le tourisme basé sur la nature (y compris les safaris photographiques et de chasse) apporte des revenus substantiels pour les communautés locales et nationales.

La collaboration et les partenariats
La notion même de gestion conjointe de zones de protection adjacentes implique la tenue de réunions régulières, l’échange d’idées, la prise de décisions en commun et la collaboration pour un profit mutuel. Aussi, la réussite des initiatives transfrontalières passe par un engagement intrinsèque de collaboration, d’aide mutuelle et d’assistance.

La contribution à la paix, à l’harmonie et à la stabilité régionale
En effet, l’Afrique est un continent dont l’histoire est parsemée de troubles réguliers et de conflits persistants. Toutefois, lorsque des pays participent à des entreprises communes présentant des avantages évidents pour tous les partenaires, ces derniers réfléchissent à deux fois avant de mettre ces processus en péril.
le Trinational de la Sangha (TNS)Virunga Heartland map

En somme, la conservation et la gestion durable des écosystèmes naturels passent par la création ou le maintien d’aires protégées dans lesquelles les utilisations doivent garantir la régénération de l’écosystème. Toutefois, cette politique de conservation a un coût élevé que les Etats concernés ne peuvent assumer individuellement, ni financièrement, ni techniquement dans une perspective de court et moyen terme. Aussi, la mise en place de complexes transfrontaliers d’aires protégées constitue une opportunité pour la conservation d’un certain nombre d’écosystèmes partagés entre plusieurs Etats à l’exemple de celui de la région frontalière Tchad-Cameroun que le RAPAC appuiera ; fort du mandat officiel que lui a conféré la COMIFAC pour la mise en œuvre de son Plan de Convergence ainsi que de la région transfrontalière des Virungas partagee entre l’Ouganda, la RDC et le Rwanda.

Défis de la gestion transfrontalière
Obstacles/contraintes
-Insuffisance d’information et de vulgarisation/population
-Egoïsme des Etats
-Absence de volonté politique pour la mise en œuvre des décisions
-Disparité des politiques et législations  en matière de foncier et GRN
-Intensification des conflits
-Insuffisance de législation et d’acceptation
-Montée des particularismes locaux et nationaux
-Faible valorisation des résultats de recherche
-Insuffisance des ressources financières
-Non prise en compte des intérêts des populations locales (transfrontalières)
-Complexité des ressources naturelles
Défis à relever
-Gestion des axes transfrontaliers
-Harmonisation des législations foncières
-Mécanismes de règlement des conflits
-Protection des droits fonciers ruraux
-Accès aux financements (régionaux / mondiaux)
-Partage équitable des priorités régionales
-Respect des engagements souscrits


PARTIE VII : GUIDE DE CREATION DES AIRES PROTEGEES

PROCESSUS DE CREATION
I- ETAPE PRELIMINAIRE DE PROTECTION
Référence a la Législation en vigueur. En général l’initiative de création d’une aire protégée peut appartient à :
• toute personne physique ou morale, privée ou publique
• des groupements constitués
Ces groupes dénommés communément « promoteurs » soumettront « l’initiative de création » au Ministère de tutelle.

ACTIONS:
I.1.1- Elaboration du schéma global d’aménagement
Etudes de faisabilités : inventaire rapide et/ou synthèse de toutes les connaissances pour les aspects biologiques, inventaires des opportunités de gestion et/ou conservation, inventaires des types de pressions actuelles et potentielles, les niveaux de dégradation, les occupations du sol et occupants, les activités existantes et les opportunités de valorisation, les études socio-économiques (transfert de gestion, lieux de culte, parcage de zébus etc.) 
Définition des parties prenantes et des différents secteurs engagés dans l’initiative de création des nouvelles aires protégées :
- Identifier d’une manière participative les critères locaux pour les PAP, populations vulnérables et communautés éligibles pour les projets communautaires ;
- Faire le recensement social des PAP, populations vulnérables et communautés éligibles.
Atelier sur la planification de la conservation : cet atelier regroupe tous les scientifiques au niveau national et régional et les autres parties prenantes et a pour objectif d’identifier les cibles de conservation, leurs attributs et leur intégrité.
Une cible de conservation est un élément de la biodiversité nécessitant une gestion en raison de son caractère exceptionnel ou de son niveau de menace.
Des scenarii de proposition des limites des nouvelles aires vont sortir de l’atelier et les résultats vont servir de base durant les consultations et négociation sur les limites des nouvelles aires protégées.
Commencer les consultations au niveau des représentants des communes (conseils communaux et / ou maires), des autorités régionales, des services techniques déconcentrés et des programmes de développement pour s’assurer de leur engagement vis-à-vis de la création des nouvelles aires protégées ;
- Mener des consultations auprès des détenteurs de droits coutumiers et de droits fonciers sur le terroir. ;
- Etablir des procès-verbaux recueillant l’engagement de ces responsables à soutenir la création de l’aire protégée et à poursuivre le processus par la consultation de la population au niveau des communautés de base, des villages et des hameaux. Les procès verbaux devront être envoyés aux ministères et directeurs des secteurs concernés pour prouver qu’il y a vraiment des concertations avec les parties prenantes au niveau régional pour la création des nouvelles aires protégées.
- Définir les limites des nouvelles aires protégées ainsi que les objectifs de gestion des nouvelles aires protégées avec ces parties prenantes, leur mode de gestion potentiel.
- Vérification de la situation juridique au service des Domaines
Etude d’Impact Environnemental
- Elaboration du rapport d’évaluation environnementale simplifiée : L’objectif de l’évaluation environnementale simplifiée des aires protégées consiste à prendre en compte les enjeux environnementaux, sociaux et économiques et impacts possibles au plus haut niveau du processus décisionnel de la création de l’aire protégée. Le rapport d’évaluation environnementale simplifiée est destiné à accompagner le dossier pour la mise protection temporaire et doit être soumis à l’autorité compétente qui émettra un avis sur les lacunes et points à approfondir lors de la phase de création définitive.

I.1.2- Soumission du dossier d’initiative de création au Ministere de tutelle
• Les promoteurs soumettent le dossier au Ministère chargé de tutelle qui par la suite procède à la vérification des données et apprécie l’opportunité de la proposition. Dépendant des résultats de l’analyse de l’initiative de création par l’autorité.
Des études plus approfondies en collaboration avec les départements techniques concernés pourraient être entreprises sur le site.
• Les promoteurs avec l’aide du Ministère devront voir avec les autres secteurs s’il existe des conflits sur les ressources naturelles telles que les carrés miniers, les zones pétrolifères, les ressources halieutiques et l’agriculture.
Un comité d’orientation et d’évaluation pour assurer le suivi de l’exécution des actions découlant de l’arrêté portant protection temporaire des aires protégées en création. Les membres de ce comité sont notamment le gestionnaire de l’aire protégée en création, les représentants des services déconcentrés des ministères intéressés, des régions, des communes et des propriétaires privés, ainsi que toute personne ou organisme choisi à cause de ses compétences particulières.
Les dossiers à fournir :
L’initiative de création sera soutenue par un dossier comportant :
• Un document de présentation du site qui permettra de savoir si le site est susceptible de répondre à la définition d’une AP. Ce document contient toutes les spécificités du site c’est à dire les résultats des différents travaux d’inventaire
• Un document de schéma global d’aménagement avec la première esquisse des limites de l’aire cible et de sa superficie potentielle, les noms et qualités des parties prenantes engagées dans l’initiative de création ainsi que le mode de gestion potentiel de l’aire protégée ;
• Les procès verbaux des réunions de consultation et engagement ; 
• Approbation par les responsables régionaux avec la carte de délimitation de la nouvelle aire protégée par Région ;
• Déclaration les Chefs de Région concernés avec la carte de délimitation de la nouvelle aire protégée au niveau Province ;
• Le rapport d’évaluation environnementale simplifiée ;
• Un document d’inventaire de droits coutumiers et de droits fonciers sur le terroir :
Ce document indique les résultats de la consultation auprès des détenteurs de droits coutumiers et de droits fonciers sur le terroir ;
• Un plan d’action court, moyen et long terme pour la suite des consultations et développement d’un plan d’aménagement ;
• Certificat de situation juridique provenant du service des Domaines.
L’Arrêté sur le statut de protection temporaire
Ce statut vise :
-à donner une large publicité sur l’initiative de création d’une Aire Protégée,
-à confirmer l’existence de diversité biologique,
-à conserver et du caractère représentatif du site et,
-à y limiter le risque d’augmentation de la pression anthropique et des dégradations naturelles jusqu’à la création proprement dite de l’aire protégée.

II- ETAPE DE CREATION DEFINITIVE

ACTIONS

II.1.1- Signature du contrat de délégation de gestion entre l’autorité et promoteurs
Le contrat devra être préparé avec le Ministère chargé des Aires Protégées et signé avant d’entamer l’étape de création définitive.

II.1.2- Consultations publiques
• Le(s) promoteur(s) devront impérativement consulter les populations concernées surtout les personnes vulnérables et affectées par l’initiative de création de l’aire protégée pour que le plan d’aménagement et de gestion prenne leurs intérêts en compte. La participation des personnes vulnérables et affectées par le projet assure qu’on identifie de façon réaliste les restrictions potentielles/probables par la nouvelle aire protégée, les compensations adéquates et les bénéficiaires.
• Ils devront poursuivre le processus des consultations et négociations au niveau des communes, villages et hameaux tout en tenant compte de l’aspect foncier et du droit coutumier pour arriver aux délimitations et plan d’aménagement définitif.
• Ils doivent recueillir les procès-verbaux sur les résultats de ces consultations.
• La consultation doit être basée sur les principes de droits et responsabilités conformément aux différentes lois, décrets et arrêtés en vigueur.
• La consultation doit être menée selon une vision d’aménagement de territoire de manière à concilier la conservation de l’aire protégée avec le développement socio-économique de la zone concernée.

II.1.3- Elaboration du Plan d’Aménagement
• Le zonage des nouvelles aires protégées se fera suivant les objectifs de gestion déterminés.
- Noyau dur
- Zone tampon
• Pour chaque zone, il est important
- De définir les règles minimales d’utilisation tout en tenant compte des objectifs de gestion définis avec les communautés locales ;
- Décrire les activités qui seront promues et permises avec les acteurs potentiels concernés.
- Identifier les limitations d’accès aux ressources naturelles avec les personnes affectées et évaluer les restrictions réelles d’accès ;
• Il faut aussi délimiter les zones potentielles de développement dans les terroirs en dehors de l’aire protégée comme les bas-fonds, vallées.
• Le plan d’aménagement définitif doit préciser le zonage, les règles et objectifs de gestion, les types de gouvernance, les responsabilités des futurs gestionnaires.
Le plan doit aussi proposer des mesures de compensation et de développement local.
• Dans la mesure du possible, la délimitation de la nouvelle aire protégée et le zonage de gestion devront être faits de façon à éviter le plus possible les restrictions des droits d’accès acquis par la population riveraine.


Délimitation
• Les limites des nouvelles aires protégées devront être négociées durant les consultations et en référence aux résultats du zonage.
• Les projets de délimitation physique résultant des travaux de consultation seront rendus publics par voie d’affichage dans les lieux publics pour assurer la transparence et permettre d’éventuels recours selon les procédures de droit commun. Avant l’affichage, il est nécessaire d’acquérir les coordonnées des limites concertées et d’établir la carte. Par la suite, les réclamations seront recueillies et les délimitations seront ajustées.
Gouvernance du site :
La gouvernance a une importance capitale pour l’efficacité et l’impact social des aires protégées. Elle est une question de pouvoir, de relations et de redevabilité (compte-rendu) et peut être définie comme l’ensemble des interactions entre les infrastructures, les processus et les traditions qui détermine comment l’autorité est exercée, les décisions sont prises et les autres acteurs et citoyens sont impliqués dans une aire protégée.
Quatre types majeurs de gouvernance se distinguent sur la base de l’identification de celui qui détient l’autorité, du responsable de la gestion et du compte-rendu des résultats achevés.
Tous les types de gouvernance sont légitimes et importants pour la conservation. Par ailleurs, ils sont tous compatibles avec les six catégories de gestion d’aire protégée de l’UICN.
Avant les consultations au niveau des communes, il s’avère nécessaire de partager avec toutes les parties prenantes les informations sur la gouvernance des AP et de discuter déjà des scenarii de gouvernance possible pour la nouvelle aire protégée.
Avis du comité d’orientation et d’évaluation OU comité GDRN
Après prise en compte des diverses réclamations, les projets de délimitation ainsi que les Procès-verbaux de consultation sont soumis pour avis technique au comité d’orientation et d’évaluation ou comité GDRN constituée des autorités régionales et des services techniques déconcentrés concernés à savoir ceux des Eaux et Forêts, de la Pêche et des Ressources halieutiques, des Domaines et de la Topographie, etc…
Etude d’Impact Environnemental
- Elaboration du Plan de Gestion Environnemental et Social (PGES) : Cette seconde phase de l’étude d’impact des AP vise à préciser les enjeux et les impacts potentiels de projet de création ainsi que les mesures d’atténuation à prendre. Les enjeux et les impacts identifiés lors de la phase préliminaire sont approfondis avec la participation des parties prenantes, notamment les communautés. Ce PGES fait office de Cahier des Charges Environnementales, partie intégrante du permis Environnemental délivré par l’autorité de tutelle.
- Durant cette EIE, on doit faire l’identification définitive des mesures de compensation et des bénéficiaires : Plan de compensations et budget.

Les dossiers à fournir
Le dossier de création est souvent constitué par :
• Cartes concertées des nouvelles aires protégées;
• Procès verbaux des consultations et négociations ;
• Plan d’aménagement contenant la délimitation concertée, les objectifs de gestion pour l’ensemble de l’aire protégée, le zonage et les objectifs de gestion par zone, proposition des mesures de compensation et de développement local ;
• Type de gouvernance démontrant les rôles, responsabilités et relations entre les différentes entités participant dans la gestion de l’aire protégée, pour l’ensemble
et par zone.
• Le Plan de gestion environnemental..
• Plan de compensations et budget
Le décret de création définitive comportera les éléments suivants :
- la liste des points limites ainsi qu’une carte matérialisant ses limites géoréférencées ;
- les objectifs de gestion principaux ;
- la ou les catégories dont ressort l’aire protégée ainsi que leur limite ;
- et les résultats des études préalables d’autre part.
• En plus de l’élaboration du décret de création, les différentes activités suivantes devront être réalisées :
- Travaux de repérage par les Services de Domaines et de Topographie pour assurer que les limites définitives n’incluent d’autres régimes juridiques.
- Publication du décret,
- Immatriculation et bornage, après approbation du plan d’aménagement, on procède à la délimitation physique définitive.
• Pour les aires protégées marines et côtières, le décret détermine les limites géographiques respectives du domaine terrestre et du domaine maritime concerné.
• Après la signature du décret, les services compétents procèdent à l’immatriculation du site d’implantation de l’aire Protégée et aux travaux de bornage.


La création des APs est une composante essentielle de l’aménagement du territoire. L’aménagement du territoire, dont l’objectif est d’améliorer le cadre de vie, constitue un outil pour le développement durable.

De nombreuses aires protégées ont été désignées comme telles sur la base de critères non liés à leur importance pour la diversité biologique, mais plutôt en vertu de leur intérêt touristique, récréatif, historique ou culturel ou simplement parce que les terres qui les composent ne présentent guère d'intérêt pour d'autres utilisations. En outre, la taille, la forme et l'emplacement de nombreuses aires protégées n'offrent pas les conditions les plus adaptées à la conservation. Celles qui existent ne sont souvent pas assez vastes pour fournir un habitat adéquat à certaines espèces de plantes ou d'animaux. Du fait de leur forme ou de leur emplacement, de nombreuses aires sont également vulnérables à des influences négatives telles que la pollution, le bruit, la chasse illicite et les empiétements de l'agriculture.

Les premières aires protégées créées en Afrique présentaient de multiples carences. En effet, la création de ces zones a souvent conduit à l’expropriation de populations vivant sur ces territoires. Cette situation a provoqué beaucoup d’incompréhension, de révolte et de comportements prédateurs liés à un très fort sentiment de confiscation de la ressource. Les espaces protégés ont ainsi fait l’objet de multiples convoitises de la part des braconniers, des défricheurs, voire des mouvements rebelles et des forces armées (Sournia, 1990). En Afrique francophone, durant la sécheresse du début des années soixante-dix, les aires classées étaient aux yeux des villageois les seules bonnes terres, telles qu’ils les avaient connues autrefois, et sur lesquelles ils se souvenaient avoir des droits. Ils réclamaient ouvertement qu’on leur donne ces terres, seule solution à leurs besoins fonciers. Cette demande leur paraissait raisonnable face à un État passif, les abandonnant presque sans surveillance et pour des motivations qui leur étaient totalement étrangères. Les habitants des espaces naturels à protéger ont ainsi fait les frais des politiques de conservation de l'environnement car ils ont souvent été considérés comme des prédateurs assoiffés de gibier et de terres vierges à défricher alors que ces peuples ne cherchent qu’à survivre par la satisfaction de leurs besoins quotidiens (Ntiamoa-Baidu et al. (2000)).

En général, les classements ne tiennent pas du tout compte du partage rationnel entre espace à protéger et l’espace cultivable nécessaire pour une population en expansion. Pourtant les politiques de conservation sont censées être non seulement des actions de protection physique du territoire mais devraient aussi tendre à améliorer les conditions naturelles favorables à la survie des populations locales. Malheureusement, la mise en place des aires protégées n’est pas précédée et/ou suivie d’actions d’accompagnement telles que l’amélioration des terres cultivables, l’évaluation des besoins des populations, l’évaluation de leurs modes alimentaires, etc. qui devraient permettre aux aires protégées de jouer pleinement leur rôle, qui est à la fois écologique, économique et social. On constate plutôt que les arrêtés de classement mettent l'accent sur la protection des terres comme seule et unique finalité (Badiane et al., 1996). Ainsi, au lieu d'être un moteur du développement économique des régions qui sont rurales à plus de 90 pour cent, les aires protégées sont devenues, comme le dit Sournia (1990) “des garde-manger entourés par la faim”.
Quand elles ne sont pas exclues des zones classées, les populations sont confrontées à de multiples autres problèmes liés à l’augmentation des troupeaux d’animaux dans ces réserves, troupeaux qui ne sont pas contrôlés par les administrations locales. Dans plusieurs réserves comme par exemple le parc national de la Fosse aux lions (Togo) et la réserve de la Lopé (Gabon), des villageois se plaignent régulièrement de la destruction de leurs cultures agricoles par les éléphants, les phacochères et les singes, qu'ils n'ont même pas le droit de chasser. Ce genre de situations montre à suffisance les défaillances et le manque de planification pour un suivi à long terme des espaces protégés (Emerton, 1999). En principe, lorsque l’administration en charge de ces zones protégées constate qu’il y a une surpopulation des animaux, elle devrait organiser des battues administratives afin de réguler les populations animales. Lorsqu’elles se sentent vraiment menacées, les villageois organisent de façon clandestine des battues dans le but de s’approvisionner en protéines animales et pour réduire l’impact des animaux sur leurs plantations. Ce genre de destruction délibérée par villageois des ressources naturelles au sein des aires protégées illustre qu'il existe dans les pays africains un conflit entre les programmes de conservation initiés par les États et les besoins de la population locale.



PARTIE VIII : AMENAGEMENT ET GESTION DES AIRES PROTEGEES EN RDC

On rencontre 6 principaux types d'aires protégées en République Démocratique du Congo: les parcs nationaux, les domaines de chasse, les réserves de la biosphère, les réserves forestières, les jardins zoologiques et botaniques, les secteurs sauvegardés.
Leur répartition en termes de superficie et pour celles dont les données sont disponibles, se présente ainsi :

Tableau 1 : Importance des aires protégées en République Démocratique du Congo

TYPE
NOMBRE
SUPERF. APPROXIMATIVE
% DU PAYS
Parcs Nationaux
-Opérationnels
-En projet

8
4

8.491.000
2.244.625

3,6
0,9
Domaines de chasse
57
10.954.266
4,7
Réserves de la Biosphère
3
267.414
0,1
Réserves forestières
117
517.169
0,2
Jardins Zoologiques
et Botaniques
3
3
3.000
0,0+
Secteurs sauvegardés
Sites de reboisement
Réserves naturelles

-
1

112.000
36.000

0,0+
0,0+
TOTAL

22.655.474
9,6 %
Source : compilation ICCN et DGNR (1994)

N.B. Sites Ramsar
Ce sont des zones humides d'importance internationale. La Convention sur les zones humides, signée à Ramsar, en Iran, en 1971, est un traité  intergouvernemental qui sert de cadre à l'action nationale et à la coopération internationale pour la conservation et l'utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources. En RDC, trois sites sont inscrits sur la liste Ramsar. Il s’agit du Parc National de Virunga (1996), du Parc des Mangroves (1996) et de Ngiri-Tumba-Mai Ndombe (2008)
L'objectif de la République Démocratique du Congo est de porter cette superficie à 12-15 % de la superficie nationale, en considérant différents écosystèmes naturels qui traduisent la diversité biologique propre au Congo. Treize sites d'intérêt national et international, et 4 sites d'intérêt local ont été identifiés par l'UICN pour faire partie du réseau des aires protégées.

Les Parcs Nationaux

A l'époque coloniale, chaque aire protégée était érigée par Décret royal sur base d'un décret général signé en 1937. Les parcs nationaux ont été tous institués par des ordonnances-lois spécifiques qui confirment leur statut de «Réserve Naturelle Intégrale » bien que certaines activités à caractère scientifique et touristique y soient aujourd'hui autorisées.
La gestion des parcs incombe à l'Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) conformément à l'ordonnance-loi n° 75-023 du 22 juillet 1975.
Il existe actuellement 7 parcs nationaux :
Le parc des Virunga, le parc de la Garamba, le Parc de Kahuzi-Biega, le Parc de la Salonga, le Parc de l'Upemba, le Parc de Kundelungu et le Parc de la Maïko. Les quatre premiers sont inscrits sur la liste des biens du Patrimoine Mondial de l'UNESCO. Salonga et Virunga abritent 2 sites Ramsar à savoir Ngiri-Ntumba-Mai Ndombe et Lac Edouard.  A ces 7 parcs, on ajoute le Parc de la N'sele (3.000 Ha) constitué d'une partie où les animaux vivent en liberté et une autre où ils sont en captivité (Zoo de 17 Ha).

Un projet de création de trois nouveaux parcs nationaux a été envisagé et comprend :
·         le Parc National à Okapi (1.372.625 Ha): appelé à protéger essentiellement l'Okapi, espèce rare et endémique au Congo;
·         le Parc National de la Mondjo (812.000 Ha); protégera la forêt dense sèche dégradée ainsi que les troupeaux d'éléphants qu'il abrite ;
·         le parc Marin de Moanda (60.000 Ha), pour la protection du biotope spécial du littoral atlantique (les Mangroves à Palétuviers), (site Ramsar).
En outre, l'ICCN envisage de proposer l'érection en parc de la Réserve de Swa-Kibula, pour protéger l'écosystème caractéristique de la bande savanicole sud du pays, à galeries forestières typiques.

Les domaines de chasse

Leur gestion relevait jadis de la Direction de Gestion de Ressources Naturelles Renouvelables du Ministère. Elle fut transférée à l'ICCN par l'arrêté ministériel n° 36/DECNT/BCE/78 du 13 juillet 1978.
Sur les 57 domaines répertoriés, 19 sont effectivement opérationnels ou fonctionnels. Les autres sont quasi abandonnés pour des raisons d'ordre matériel et financier.

Les Réserves de la Biosphère

Du point de vue juridique, ces aires sont en principe régies selon les concepts de l'UNESCO. Elles sont par ailleurs érigées par ce dernier qui délivre des permis ou des attestations ad hoc.
Aucun acte juridique concrétisant l'action de l'UNESCO n'existe. Néanmoins, la gestion et la supervision y sont assurées par le Secrétariat National du Programme MAB au Congo, rattaché au Ministère de l'Environnement.
De trois Réserves existant au départ (Yangambi, Luki, et Lufira), seule celle de la Luki (33.000 Ha) fait encore l'objet d'un suivi relatif.

Les Réserves Forestières

La gestion de ces Réserves relève de la Direction de Gestion des Ressources Naturelles et Renouvelables (DGRNR) rattachée au Ministère de l'Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme. Il n'existe en principe aucun texte juridique pour leur gestion.
Elles ont pour objectifs : la protection de la forêt naturelle, la promotion de la recherche sylvicole, l'enrichissement de la forêt naturelle en vue de promouvoir la production du bois d'œuvre ou du bois de feu.

Les Jardins Zoologiques et Botaniques

Il s'agit d'un type de la conservation ex-situ de la faune et de la flore. Ces jardins sont sous la responsabilité de l'Institut des Jardins Zoologiques et Botaniques du Congo (IJZBC), institué par ordonnance n° 78-215 du 5 mai 1978.
Il existe actuellement 4 jardins zoologiques, Kinshasa (2), Kisangani (1) et Lubumbashi (1) et 3 jardins botaniques situés à Kisantu (Bas-Congo), à Eala (Equateur) et à Kinshasa (Parc de la Révolution).

Les Secteurs sauvegardés

La loi n° 75-024 du 22 juillet 1975 définit le principe de leur création et en fixe le cadre juridique, de même que le cadre organique.
Aux termes de cette loi, tout secteur non soumis aux servitudes humaines légalement reconnues et présentant un intérêt particulier du point de vue de la conservation, de la restauration ou du développement doit être sauvegardé.
Bien que l'article 3 de la loi précitée précise que l'organisme chargé de la gestion de ces Secteurs soit désigné par l'ordonnance de sa création, rien n'a encore été fait dans ce sens.



Annexe : Liste des accords internationaux ayant un impact sur la biodiversité
et dont l a RDC est membre

NOM DE LA CONVENTION
PAYS OU VILLE D'ADOPTION
DATE DE LA SIGNATURE
1
Convention phytosanitaire pour l'Afrique au sud du SAHARA.
Londres (Angleterre)
29 juillet 1954
21 septembre 1962
2
Accord de coopération concernant la quarantaine et la protection des plantes contre les parasites et les maladies.
Sofia (Bulgarie)
le 14 déc. 1959.

3
Convention Africaine sur la Conservation de la nature et des ressources naturelles.
Alger (Algérie)
le 15 septembre 1968.
13 novembre 1976
4
Convention relative aux zones humides d'importance internationale particulièrement comme habitats de la sauvagine ou (Ramsar).
Ramsar (Iran)
2 février 1971.
15 septembre 1994
5
Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel
Paris (France)
23 novembre 1972.
17 décembre 1975
6
Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (Bonn)
Bonn (Allemagne)
23 juin 1979
5 septembre 1994
7
Convention de Vienne sur la protection de la couche d'ozone ; protocole de Londres et de Montréal
Montréal (Canada)
22 mars 1985
15 septembre 1994
8
Convention cadre sur les changements climatiques
Rio de Janeiro (Brésil)
4 juin 1992
8 décembre 1994
9
Convention sur la Diversité Biologique
Rio de Janeiro (Brésil)
4 juin 1992
15 septembre 1994
10
Convention sur les transports transfrontaliers des déchets dangereux et leur gestion (convention de Bamako)
Bamako (Mali)
15 septembre 1994
11
Accord international sur les bois tropicaux
Genève (Suisse)
20 novembre 1990
12
Convention des Nations Unies sur les droits de la mer
Montego Bay
(Jamaïque)
10 décembre 1982
17 février 1989
13
Convention sur le transport transfrontalier des déchets dangereux et leur traitement (convention de Bâle)
Bâle (Suisse)
22 mars 1989
15 septembre 1994
14
Convention relative à la conservation de la faune et de la flore à l'état naturel
Londres (Angleterre)
14 janvier 1936

15
Convention phytosanitaire pour l'Afrique
Kinshasa (Congo)
13 septembre 1967

16
Convention internationale pour la protection des végétaux
Rome (Italie)
6 décembre 1951
16 septembre 1975
17
Convention sue l'interdiction de la mise au point de la fabrication et du stockage des Armes Bactériologiques (Biologiques) et à Toxines et sur leur destruction
Washington (USA)
10 avril 1972
10 septembre 1975
18
Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel
Paris (France)
23 novembre 1972
17 décembre 1972
19
Convention sur la prévention de la pollution de la mer résultat de l'immersion de déchets
Londres
29 décembre 1972
16 octobre 1975
20
Convention sur le commerce international des espèces sauvage de flore et de faune menacées d'extinction ou (CITES)
Washington (USA)
3 mars 1973
18 octobre 1976
21
Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage
Bonn (Allemagne)
23 juin 1979
15 septembre 1994
22
Convention sur la lutte contre la désertification et la sécheresse
Paris (France)
17 octobre 1995
11 septembre 1997



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