samedi 25 janvier 2014

L'approche coopérative, modèle d'équilibre écologique



Résumé
A partir de ses valeurs d'assistance mutuelle, d'autogestion, de solidarité et de démocratie, qui se conjuguent dans la poursuite d'objectifs économiques et sociaux axés sur l'essor de la communauté dans son ensemble, le Mouvement coopérativiste se présente comme un modèle de développement qui, de par ses caractéristiques et sa définition même, se retrouve inextricablement lié à l'environnement et à ses questions connexes -de la protection de la biodiversité, l`utilisation rationnelle des technologies, l'éducation écologique à la sauvegarde des forêts.
La démarche coopérative dispose d'outils d'une portée et d'une efficacité inestimables pour améliorer les conditions sociales, économiques et culturelles des populations, et combattre ainsi un des facteurs principaux à l'origine de la dégradation des zones boisées, et de l'environnement, en général: à savoir, la pauvreté.
La création d'emplois autonomes, la constitution de chaînes de production, la dynamisation des marchés locaux, l'intégration de groupes marginalisés dans le système productif, la participation à la gestion entrepreneuriale de la communauté, la prise de conscience collective pour la responsabilité de l'environnement, sont autant de caractéristiques des coopératives, lesquelles offrent aux millions d'êtres humains victimes de la pauvreté une possibilité réelle d'améliorer de façon significative leurs conditions sociales et économiques, mais aussi de participer à la construction d'un modèle de développement intrinsèquement durable.
La promotion du modèle coopératif en tant qu'instrument pour l'éradication de la pauvreté qui a un impact négatif sur l'environnement, garantira un meilleur aménagement des ressources naturelles, la préservation de la flore et la faune ainsi que l'utilisation rationnelle des forêts naturelles.

Un nouveau modèle de développement
Comme aucune autre espèce, le genre humain est doté d'une intelligence et d'une forme d'organisation qui lui ont permis d'adapter le contexte à son avantage. L'homme est ainsi parvenu à des transformations significatives de son habitat qui lui ont permis de devenir l'espèce dominante de la planète et de se rendre, jour après jour, la vie plus facile. Cependant, les changements qui sont intervenus dans son habitat, de même que les structures d'organisation sociale qu'il a implantées, ont eu également des conséquences négatives.
Les progrès du genre humain ont entraîné une consommation démesurée des ressources humaines et des transformations formidables des différents écosystèmes de la planète. Ce n'est qu'au milieu du XXème siècle que nous commençons à entrevoir les funestes conséquences d'une conception du développement qui ne voyaient dans la nature et l'environnement qu'un simple outil ou une ressource au service des progrès de l'humanité.
Ainsi, stupéfaits, nous commençons à prendre conscience des mille espèces disparues ou en voie d'extinction, des millions d'hectares de forêts naturelles détruites chaque année, de l'appauvrissement des ressources hydriques ou du changement climatique. L'homme découvre qu'à moins de modifier son concept du développement, il risque de mettre en péril la survie même de l'espèce.
Parallèlement, les concepts de "développement" adoptés par les différentes cultures tout au long de l'histoire ont élargi les fossés économiques, sociaux et culturels entre les individus, favorisant ainsi la marginalisation et l'inégalité, deux éléments qui ont contribué de façon significative à la dégradation de l'environnement. La civilisation telle que nous la connaissons a privilégié le développement au détriment de l'environnement. Guerres ethniques, communautés dont la source d'eau la plus proche est à cinq heures de marche, analphabétisme, nouvelles formes d'esclavage sont des problèmes encore fréquents de nos jours et que nous sommes en mesure de connaître de plus près grâce aux moyens de communication de masse.
Dans ce contexte, l'humanité dans son ensemble s'est vue contrainte de rechercher un nouveau concept de développement qui devra continuer à s'efforcer d'améliorer les conditions de vie et réduire les inégalités sociales et économiques, tout en maintenant une relation d'équilibre avec la Nature. Nous commençons à comprendre que nous faisons partie intégrante d'un milieu et que la réalisation de nos objectifs collectifs est liée à l'existence d'une relation symbiotique avec l'environnement.
On atteindra le juste équilibre entre les différentes formes de vie sur terre au moyen d'un "développement qui réponde aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de satisfaire leurs propres besoins" (ONU 1992).
Il faut, par conséquent, un modèle social et économique qui encourage le développement intégral aussi bien de l'individu que de la société à laquelle il appartient, qui soit autogéré, qui permette à tous de participer démocratiquement et qui combatte efficacement les failles sociales et économiques. La réponse résiderait en partie dans le Coopérativisme, mouvement né en Angleterre en pleine révolution industrielle, qui s'est diffusé avec succès sur les cinq continents.
La pauvreté, facteur de détérioration des forêts
Le manque de ressources économiques, la marginalisation et l'exclusion sont des facteurs qui influent de façon déterminante sur l'utilisation incorrecte et l'usage abusif des ressources forestières et de l'environnement en général.
Parmi les facteurs de dégradation des forêts liés à la pauvreté, on peut citer: la colonisation, l'expansion de la frontière agricole, l'exploitation non réglementée des ressources ligneuses et minières, le développement de cultures illicites et le commerce illégal d'espèces de flore et de faune; autant de facteurs qui contribuent à la diminution alarmante des forêts naturelles et minent la conservation de la biodiversité de ces écosystèmes.
Un quart de la population mondiale vit avec 1,08 dollar E.U. par jour (source: Banque mondiale), tandis qu'une autre grande part de l'humanité dépasse ce chiffre de peu. Dans leur lutte pour la survie, ces groupes de populations n'ont guère d'autre choix que de puiser irrémédiablement dans les ressources forestières et entamer la richesse biologique qu'elles renferment. La destruction de la couche d'ozone, la régénération des sols ou la disparition imminente d'une espèce sont des arguments qui manquent de poids pour une famille à la recherche de nourriture ou de revenus pour soulager sa détresse.
ll faut souligner qu'une grande partie des territoires où sont concentrées de nombreuses zones boisées, et qui sont, par conséquent, des régions d'une importance vitale pour leur fonction de poumons de la planète, se trouve dans des pays ou régions aux niveaux élevés de pauvreté (Amérique latine et Asie Centrale, par exemple), ce qui rend ces sites particulièrement vulnérables du point de vue écologique.
Par ailleurs, la menace écologique dérivant des niveaux élevés de pauvreté dans ces zones de grande richesse en forêts et en biodiversité, est exacerbée par le manque de protection dû à des législations environnementales faibles, qui ouvrent la voie à l'utilisation anarchique par les communautés pauvres de la région, et à l'exploitation et à l'appropriation incontrôlées de ces ressources par des multinationales et entreprises.
L'incidence de la pauvreté sur l'environnement et sa concentration dans les pays en développement a été consacrée dans le sixième principe du Sommet de Rio: "Il faut accorder la plus haute priorité à la situation et aux besoins particuliers des pays en développement, en particulier des pays les moins avancés et des plus vulnérables du point de vue de l'environnement. Les mesures adoptées à l'échelle internationale sur l'environnement et le développement doivent également prendre en compte les intérêts et les exigences de tous les pays" (ONU, 1992).
Un modèle de développement durable: l'approche coopérative
"Le mouvement coopérativiste né en réponse aux structures économiques et sociales à l'origine des problèmes indéniables qui nous affligent aujourd'hui, ne pouvait -ni ne peut- être exclu de cette impérieuse nécessité d'analyser les menaces qui pèsent sur nous en tant qu'espèce et de l'élaboration de solutions" (José Manuel Naredo).
L'idéologie du mouvement, fondée sur des principes de solidarité, d'assistance mutuelle, de participation et d'intérêt pour la communauté, signifie implicitement un développement qui tient compte des générations futures, c'est-à-dire un développement durable. Les Coopératives sont appelées, sans aucun doute, à exercer un rôle de premier ordre dans la construction d'un modèle viable de développement.
Outre leurs bases idéologiques, les Coopératives ont une structure administrative caractérisée par une gestion collective, l'éducation continue et l'intérêt pour la communauté qui, au même titre que leurs principes philosophiques, comportent des éléments constituants d'un véritable développement durable.
Il faut souligner que l'organisation des communautés victimes de la pauvreté sous une forme coopérative cherche à satisfaire les besoins sociaux et économiques de base tout en favorisant le développement local et l'utilisation durable des ressources forestières.
On peut combattre efficacement l'inégalité économique, les hauts degrés d'insatisfaction des besoins fondamentaux, les faibles taux d'instruction, la malnutrition infantile et de nombreux autres facteurs liés à la pauvreté ayant un impact direct sur la détérioration de l'environnement, grâce à la constitution de Coopératives agricoles ou d'agroforesterie, de centrales coopératives qui garantissent des chaînes d'approvisionnement à des conditions favorables, de coopératives d'artisans, etc.
Sur le plan pratique, le mouvement coopératif peut contribuer à la construction d'un avenir meilleur et à la réduction de la pauvreté et de la marginalisation sur les plans suivants:
1. Création d'emplois productifs: entraînant une réduction de la suburbanisation et du recours aux activités illégales (cultures illicites) qui ont un impact direct sur les ressources forestières. Les sources d'emploi créées par les Coopératives sont administrées directement par la communauté.
2. Accroissement de la compétitivité et de la réglementation des marchés locaux: les coopératives permettent à leurs membres d'accéder à de meilleures conditions technologiques qui contribuent à augmenter la productivité et la compétitivité, tout en atténuant les conséquences négatives sur l'environnement.
3. Gestion locale: Les outils participatifs de la structure coopérative permettent à la communauté de garder le contrôle des décisions et de leur impact éventuel; c'est, par ailleurs, une forme d'organisation utile pour la surveillance des initiatives aussi bien publiques que privées. La gestion par le dialogue fait participer la communauté locale à l'administration de ses ressources environnementales et forestières.
4. Education écologique: "il est clair que la formation à la conservation de l'environnement doit partir des coopératives, ce qui, jusqu'à présent, a toujours fait défaut dans les programmes d'étude et qui doit être pris en charge par la société et, partant, par les coopératives" (Blanco, 1996).
5. Nouvelles filières de commercialisation: le modèle des coopératives et son intégration au niveau vertical et horizontal permet également d'améliorer les filières de distribution des produits agricoles et agroforestiers.
6. Education du consommateur: pour créer une conscience parmi leurs membres, les coopératives de consommateurs et de producteurs doivent s'efforcer de promouvoir des produits biologiques et sains du point de vue nutritionnel, qui ne portent pas atteinte aux réserves naturelles.
7. Expérience et savoir-faire locaux: l'appareil démocratique de ces organisations, et l'intérêt pour la communauté confèrent aux Coopératives la possibilité d'acquérir les connaissances ancestrales et locales sur l`utilisation et la gestion de l'environnement.
8. Intervention dans les décisions de l'Etat: comme une forme organisée de la société civile, le mouvement coopératif doit faire pression sur les autorités gouvernementales et étatiques en ce qui concerne la protection des forêts et de toutes les zones riches en biodiversité. De même, en tant que mouvement mondial, il doit participer activement à l'élaboration d'accords et de protocoles au niveau international.
9. Satisfaction des besoins élémentaires: à l'aide de coopératives de services publics, les communautés locales peuvent gérer elles-mêmes leurs problèmes de services de base, en rationalisant la consommation de ressources naturelles.
10. Création d'aires protégées: les coopératives peuvent contribuer avec leurs membres à la création et à la gestion de réserves forestières. Les coopératives peuvent servir à organiser des communautés indigènes, et de colons, par exemple, pour la gestion appropriée des forêts.
Un bon exemple du travail que le mouvement coopératif effectue en faveur de la gestion rationnelle des ressources forestières est le "Réseau pour l'aménagement durable des forêts aux Amériques", initiative lancée par l'Alliance coopérative internationale pour les Amériques (ACI Américas) et la Société de Coopération pour le développement international (SOCODEVI). Le but premier de ce réseau est de renforcer la foresterie durable en Amérique latine, en contribuant à améliorer la qualité de la vie des membres des coopératives et d'autres associations, et de leurs familles.
Ce Réseau a obtenu des résultats sensibles au Guatemala, au Costa Rica, au Canada, en Bolivie et en Uruguay, non seulement en termes de jouissance et d'utilisation rationnelle des ressources d'agroforesterie, mais aussi de canaux et de mécanisme de coopération entre les organisations en faisant partie.
Le mouvement coopératif étant un modèle d'entreprise durable, socialement et économiquement viable, il faut exhorter les différents Gouvernements à encourager cette approche en offrant un cadre normatif adéquat pour la promotion des coopératives, afin de leur permettre de rivaliser sur un pied d'égalité avec les autres modèles d'entreprise.
En conséquence, ceci se veut une invitation à diffuser la démarche coopérative comme modèle de développement durable qui, non seulement, le considère dans sa définition, mais qui plus est, détient les instruments qui lui permettent de le mettre en application.
Bibliographie
Blanco, Joaquín Mateo. 1996. Formación Cooperativa y Desarrollo. Espagne
Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, Rio de Janeiro, juin 1992.
Message de l'Alliance coopérative internationale pour les Amériques, 68ème journée internationale de la coopération, 7 juillet 1990.
Naredo, José Manuel. Cooperativismo y Medio ambiente, Textes choisis: www.chasque.apc.org
Rompczyk, Elmar. 1997. La Conservación de la Biodiversidad, dans la revue "Desarrollo y Cooperación" No. 2 Mars/Avril 1997. pp. 93-106.

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