Résumé
A partir de ses
valeurs d'assistance mutuelle, d'autogestion, de solidarité et de démocratie,
qui se conjuguent dans la poursuite d'objectifs économiques et sociaux axés sur
l'essor de la communauté dans son ensemble, le Mouvement coopérativiste se
présente comme un modèle de développement qui, de par ses caractéristiques et
sa définition même, se retrouve inextricablement lié à l'environnement et à ses
questions connexes -de la protection de la biodiversité, l`utilisation
rationnelle des technologies, l'éducation écologique à la sauvegarde des
forêts.
La démarche
coopérative dispose d'outils d'une portée et d'une efficacité inestimables pour
améliorer les conditions sociales, économiques et culturelles des populations,
et combattre ainsi un des facteurs principaux à l'origine de la dégradation des
zones boisées, et de l'environnement, en général: à savoir, la pauvreté.
La création
d'emplois autonomes, la constitution de chaînes de production, la dynamisation
des marchés locaux, l'intégration de groupes marginalisés dans le système
productif, la participation à la gestion entrepreneuriale de la communauté, la
prise de conscience collective pour la responsabilité de l'environnement, sont
autant de caractéristiques des coopératives, lesquelles offrent aux millions
d'êtres humains victimes de la pauvreté une possibilité réelle d'améliorer de façon
significative leurs conditions sociales et économiques, mais aussi de
participer à la construction d'un modèle de développement intrinsèquement
durable.
La promotion du
modèle coopératif en tant qu'instrument pour l'éradication de la pauvreté qui a
un impact négatif sur l'environnement, garantira un meilleur aménagement des
ressources naturelles, la préservation de la flore et la faune ainsi que
l'utilisation rationnelle des forêts naturelles.
Un nouveau modèle de développement
Comme aucune
autre espèce, le genre humain est doté d'une intelligence et d'une forme
d'organisation qui lui ont permis d'adapter le contexte à son avantage. L'homme
est ainsi parvenu à des transformations significatives de son habitat qui lui
ont permis de devenir l'espèce dominante de la planète et de se rendre, jour
après jour, la vie plus facile. Cependant, les changements qui sont intervenus
dans son habitat, de même que les structures d'organisation sociale qu'il a
implantées, ont eu également des conséquences négatives.
Les progrès du
genre humain ont entraîné une consommation démesurée des ressources humaines et
des transformations formidables des différents écosystèmes de la planète. Ce
n'est qu'au milieu du XXème siècle que nous commençons à entrevoir les funestes
conséquences d'une conception du développement qui ne voyaient dans la nature
et l'environnement qu'un simple outil ou une ressource au service des progrès
de l'humanité.
Ainsi,
stupéfaits, nous commençons à prendre conscience des mille espèces disparues ou
en voie d'extinction, des millions d'hectares de forêts naturelles détruites
chaque année, de l'appauvrissement des ressources hydriques ou du changement
climatique. L'homme découvre qu'à moins de modifier son concept du
développement, il risque de mettre en péril la survie même de l'espèce.
Parallèlement,
les concepts de "développement" adoptés par les différentes cultures
tout au long de l'histoire ont élargi les fossés économiques, sociaux et
culturels entre les individus, favorisant ainsi la marginalisation et
l'inégalité, deux éléments qui ont contribué de façon significative à la
dégradation de l'environnement. La civilisation telle que nous la connaissons a
privilégié le développement au détriment de l'environnement. Guerres ethniques,
communautés dont la source d'eau la plus proche est à cinq heures de marche,
analphabétisme, nouvelles formes d'esclavage sont des problèmes encore
fréquents de nos jours et que nous sommes en mesure de connaître de plus près
grâce aux moyens de communication de masse.
Dans ce
contexte, l'humanité dans son ensemble s'est vue contrainte de rechercher un
nouveau concept de développement qui devra continuer à s'efforcer d'améliorer
les conditions de vie et réduire les inégalités sociales et économiques, tout
en maintenant une relation d'équilibre avec la Nature. Nous commençons à
comprendre que nous faisons partie intégrante d'un milieu et que la réalisation
de nos objectifs collectifs est liée à l'existence d'une relation symbiotique
avec l'environnement.
On atteindra le
juste équilibre entre les différentes formes de vie sur terre au moyen d'un
"développement qui réponde aux besoins du présent sans compromettre la
capacité des générations futures de satisfaire leurs propres besoins" (ONU
1992).
Il faut, par
conséquent, un modèle social et économique qui encourage le développement
intégral aussi bien de l'individu que de la société à laquelle il appartient,
qui soit autogéré, qui permette à tous de participer démocratiquement et qui
combatte efficacement les failles sociales et économiques. La réponse
résiderait en partie dans le Coopérativisme, mouvement né en Angleterre en
pleine révolution industrielle, qui s'est diffusé avec succès sur les cinq
continents.
La pauvreté, facteur de détérioration des forêts
Le manque de
ressources économiques, la marginalisation et l'exclusion sont des facteurs qui
influent de façon déterminante sur l'utilisation incorrecte et l'usage abusif
des ressources forestières et de l'environnement en général.
Parmi les
facteurs de dégradation des forêts liés à la pauvreté, on peut citer: la
colonisation, l'expansion de la frontière agricole, l'exploitation non
réglementée des ressources ligneuses et minières, le développement de cultures
illicites et le commerce illégal d'espèces de flore et de faune; autant de
facteurs qui contribuent à la diminution alarmante des forêts naturelles et
minent la conservation de la biodiversité de ces écosystèmes.
Un quart de la
population mondiale vit avec 1,08 dollar E.U. par jour (source: Banque
mondiale), tandis qu'une autre grande part de l'humanité dépasse ce chiffre
de peu. Dans leur lutte pour la survie, ces groupes de populations n'ont guère
d'autre choix que de puiser irrémédiablement dans les ressources forestières et
entamer la richesse biologique qu'elles renferment. La destruction de la couche
d'ozone, la régénération des sols ou la disparition imminente d'une espèce sont
des arguments qui manquent de poids pour une famille à la recherche de
nourriture ou de revenus pour soulager sa détresse.
ll faut
souligner qu'une grande partie des territoires où sont concentrées de
nombreuses zones boisées, et qui sont, par conséquent, des régions d'une
importance vitale pour leur fonction de poumons de la planète, se trouve dans
des pays ou régions aux niveaux élevés de pauvreté (Amérique latine et Asie
Centrale, par exemple), ce qui rend ces sites particulièrement vulnérables du
point de vue écologique.
Par ailleurs,
la menace écologique dérivant des niveaux élevés de pauvreté dans ces zones de
grande richesse en forêts et en biodiversité, est exacerbée par le manque de
protection dû à des législations environnementales faibles, qui ouvrent la voie
à l'utilisation anarchique par les communautés pauvres de la région, et à
l'exploitation et à l'appropriation incontrôlées de ces ressources par des
multinationales et entreprises.
L'incidence de
la pauvreté sur l'environnement et sa concentration dans les pays en
développement a été consacrée dans le sixième principe du Sommet de Rio: "Il
faut accorder la plus haute priorité à la situation et aux besoins particuliers
des pays en développement, en particulier des pays les moins avancés et des
plus vulnérables du point de vue de l'environnement. Les mesures adoptées à
l'échelle internationale sur l'environnement et le développement doivent
également prendre en compte les intérêts et les exigences de tous les
pays" (ONU, 1992).
Un modèle de développement durable: l'approche
coopérative
"Le
mouvement coopérativiste né en réponse aux structures économiques et sociales à
l'origine des problèmes indéniables qui nous affligent aujourd'hui, ne pouvait
-ni ne peut- être exclu de cette impérieuse nécessité d'analyser les menaces
qui pèsent sur nous en tant qu'espèce et de l'élaboration de solutions"
(José Manuel Naredo).
L'idéologie du
mouvement, fondée sur des principes de solidarité, d'assistance mutuelle, de
participation et d'intérêt pour la communauté, signifie implicitement un
développement qui tient compte des générations futures, c'est-à-dire un
développement durable. Les Coopératives sont appelées, sans aucun doute, à
exercer un rôle de premier ordre dans la construction d'un modèle viable de
développement.
Outre leurs
bases idéologiques, les Coopératives ont une structure administrative
caractérisée par une gestion collective, l'éducation continue et l'intérêt pour
la communauté qui, au même titre que leurs principes philosophiques, comportent
des éléments constituants d'un véritable développement durable.
Il faut
souligner que l'organisation des communautés victimes de la pauvreté sous une
forme coopérative cherche à satisfaire les besoins sociaux et économiques de
base tout en favorisant le développement local et l'utilisation durable des
ressources forestières.
On peut
combattre efficacement l'inégalité économique, les hauts degrés d'insatisfaction
des besoins fondamentaux, les faibles taux d'instruction, la malnutrition
infantile et de nombreux autres facteurs liés à la pauvreté ayant un impact
direct sur la détérioration de l'environnement, grâce à la constitution de
Coopératives agricoles ou d'agroforesterie, de centrales coopératives qui
garantissent des chaînes d'approvisionnement à des conditions favorables, de
coopératives d'artisans, etc.
Sur le plan
pratique, le mouvement coopératif peut contribuer à la construction d'un avenir
meilleur et à la réduction de la pauvreté et de la marginalisation sur les
plans suivants:
1. Création d'emplois productifs: entraînant une
réduction de la suburbanisation et du recours aux activités illégales (cultures
illicites) qui ont un impact direct sur les ressources forestières. Les sources
d'emploi créées par les Coopératives sont administrées directement par la
communauté.
2. Accroissement de la compétitivité et de la
réglementation des marchés locaux: les coopératives permettent à leurs membres
d'accéder à de meilleures conditions technologiques qui contribuent à augmenter
la productivité et la compétitivité, tout en atténuant les conséquences
négatives sur l'environnement.
3. Gestion locale: Les outils participatifs de la
structure coopérative permettent à la communauté de garder le contrôle des
décisions et de leur impact éventuel; c'est, par ailleurs, une forme
d'organisation utile pour la surveillance des initiatives aussi bien publiques
que privées. La gestion par le dialogue fait participer la communauté locale à
l'administration de ses ressources environnementales et forestières.
4. Education écologique: "il est clair que la
formation à la conservation de l'environnement doit partir des coopératives, ce
qui, jusqu'à présent, a toujours fait défaut dans les programmes d'étude
et qui doit être pris en charge par la société et, partant, par les
coopératives" (Blanco, 1996).
5. Nouvelles filières de commercialisation: le modèle des
coopératives et son intégration au niveau vertical et horizontal permet
également d'améliorer les filières de distribution des produits agricoles et
agroforestiers.
6. Education du consommateur: pour créer une conscience
parmi leurs membres, les coopératives de consommateurs et de producteurs
doivent s'efforcer de promouvoir des produits biologiques et sains du point de
vue nutritionnel, qui ne portent pas atteinte aux réserves naturelles.
7. Expérience et savoir-faire locaux: l'appareil
démocratique de ces organisations, et l'intérêt pour la communauté confèrent
aux Coopératives la possibilité d'acquérir les connaissances ancestrales et
locales sur l`utilisation et la gestion de l'environnement.
8. Intervention dans les décisions de l'Etat: comme une
forme organisée de la société civile, le mouvement coopératif doit faire
pression sur les autorités gouvernementales et étatiques en ce qui concerne la
protection des forêts et de toutes les zones riches en biodiversité. De même,
en tant que mouvement mondial, il doit participer activement à l'élaboration
d'accords et de protocoles au niveau international.
9. Satisfaction des besoins élémentaires: à l'aide de
coopératives de services publics, les communautés locales peuvent gérer
elles-mêmes leurs problèmes de services de base, en rationalisant la
consommation de ressources naturelles.
10. Création d'aires protégées: les coopératives peuvent
contribuer avec leurs membres à la création et à la gestion de réserves
forestières. Les coopératives peuvent servir à organiser des communautés
indigènes, et de colons, par exemple, pour la gestion appropriée des forêts.
Un bon exemple
du travail que le mouvement coopératif effectue en faveur de la gestion
rationnelle des ressources forestières est le "Réseau pour l'aménagement
durable des forêts aux Amériques", initiative lancée par l'Alliance
coopérative internationale pour les Amériques (ACI Américas) et la Société de
Coopération pour le développement international (SOCODEVI). Le but premier de
ce réseau est de renforcer la foresterie durable en Amérique latine, en
contribuant à améliorer la qualité de la vie des membres des coopératives et
d'autres associations, et de leurs familles.
Ce Réseau a
obtenu des résultats sensibles au Guatemala, au Costa Rica, au Canada, en
Bolivie et en Uruguay, non seulement en termes de jouissance et d'utilisation
rationnelle des ressources d'agroforesterie, mais aussi de canaux et de
mécanisme de coopération entre les organisations en faisant partie.
Le mouvement
coopératif étant un modèle d'entreprise durable, socialement et économiquement
viable, il faut exhorter les différents Gouvernements à encourager cette
approche en offrant un cadre normatif adéquat pour la promotion des
coopératives, afin de leur permettre de rivaliser sur un pied d'égalité avec
les autres modèles d'entreprise.
En conséquence,
ceci se veut une invitation à diffuser la démarche coopérative comme modèle de
développement durable qui, non seulement, le considère dans sa définition, mais
qui plus est, détient les instruments qui lui permettent de le mettre en
application.
Bibliographie
Blanco, Joaquín
Mateo. 1996.
Formación Cooperativa y Desarrollo. Espagne
Rapport de la
Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, Rio de
Janeiro, juin 1992.
Message de
l'Alliance coopérative internationale pour les Amériques, 68ème
journée internationale de la coopération, 7 juillet 1990.
Rompczyk, Elmar. 1997. La Conservación de la Biodiversidad,
dans la revue "Desarrollo y Cooperación" No. 2 Mars/Avril 1997. pp.
93-106.
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